Brobeck Jean-Paul - Un miroir pour trois visages
La chose la plus difficile.


Le passage à l’an 2000 a provoqué des flots de commentaires, des tas de réflexions, des peurs aussi. Le fameux bogue a mobilisé des foules de techniciens et coûté des sommes colossales.

Loin de moi, les querelles qui ont pour objet de savoir si le passage à l’an 2000 marque l’avènement d’un nouveau siècle et d’un nouveau millénaire. Force est de constater que les hommes restent sensibles à la magie des nombres et que l’on a su exploiter commercialement l’événement.

En fin de chaque année, il est de tradition de se retourner, de dresser le bilan. En décembre 1999, la chose a pris de l’importance, car c’est sur un siècle voire sur tout un millénaire que l’on s’interroge.

Il convient à chacun d’établir le classement des événements en fonction des priorités qu’il aura définies. Pour ma part, j’essaie de rester objectif et je n’oublie pas que si le passé récent nous a offert une multitude d’inventions et de progrès, il a aussi été le théâtre d’atrocités proprement inhumaines. Rester objectif n’est d’ailleurs qu’une simple vue de l’esprit. Car dès que l’on observe, dès que l’on analyse, nous entrons de pleins pieds dans la subjectivité.

Il convient toutefois, sans fermer les yeux sur ce qui nous dérange, de diriger notre regard, c’est-à-dire de faire un choix, et c’est en toute conscience que je donne la priorité à tout ce qui a permis à l’humanité de progresser.

Nous sommes passés de l’époque du moine copiste à l’imprimerie, pour aboutir finalement à Internet, cette immense toile qui diffuse instantanément l’actualité. Il semble désormais difficile d’occulter une information pour en tirer un quelconque avantage.

Nous sommes passés de l’époque des tabous lancés sur notre organisme lui-même, au décryptage de notre génome.

Nous avions du mal à nous rendre à l’autre bout de la France, et voilà que nous dirigeons des robots sur Mars.

Finalement, nous avons tué les distances, nous avons relativisé le temps, nous avons sondé la matière, nous avons découvert les briques fondamentales qui constituent notre univers.

Je reste profondément admiratif devant la puissance de l’esprit humain et je vous propose une image pour illustrer mon propos.

Venez, suivez-moi dans mon jardin. Observez le puceron, là-bas, sur la tige du rosier. Imaginez que ce puceron possède une conscience et qu’il sait qu’il est assis sur la tige d’un rosier, que ce rosier se trouve dans un jardin, Le jardin est situé dans la banlieue d’une grande ville, ville qui appartient à une région d’un pays et que ce pays est situé en Europe. L’Europe n’est d’ailleurs qu’un continent de la Terre qui n’est elle-même qu’une planète du système solaire ... De quoi avoir le vertige !

Mais repartons dans l’autre sens. Notre puceron a découvert qu’il possède un organisme, que cet organisme est constitué de cellules, elles-mêmes formées de molécules, que ces molécules sont le regroupement d’atomes et que ces atomes à leur tour sont constitués de ...

Le vertige nous reprend.

Puceron, tu nous renvoies à notre propre nature. Perdus quelque part entre deux infinis.

Voilà bien le miracle de l’esprit. Est-ce là, la partie divine que nous portons en nous-mêmes ?

Et pourtant, même un miracle ne supporte pas l’épreuve du temps. À la longue, on s’habitue et tout finit par devenir normal. On ne s’étonne plus de pouvoir communiquer avec l’Autre qui vit là-bas, de l’autre côté de la Terre. On ne s’étonne plus de pouvoir observer des images qui nous viennent des tréfonds de l’univers, et les secrets de l’infiniment petit nous sont devenus familiers.

Chaque jour apporte son lot de nouvelles découvertes. Chaque jour, l’Homme acquiert des pouvoirs considérables et pourtant, il existe une chose dont je dirais qu’elle est la plus difficile du Monde :

Garder les pieds sur Terre et la tête sur ses épaules !

Les photographies, reportages, textes et poemes sont la propriété intellectuelle de Jean-Paul Brobeck et ne peuvent être utilisés qu'avec l'autorisation écrite de l'auteur.